dimanche 16 octobre 2022

Pisciculture à la Concession

 

Aux environs de Bovigny, aux concessions, se trouve un second établissement de pisciculture, créé et dirigé par M. le baron Oscar du Mesnil. Cet établissement a  été construit au  mois d'août 1886. Il se compose d'un rez-de-chaussée comprenant une salle d'éclosion d'environ 7 m. de côté  et, contigu à celle-ci, mais avec entrée particulière, un petit logement pour l'ouvrier ou garde.  Le tout est surmonté d'un grenier. L'établissement est alimenté par quatre sources placées à 150 mètres de la salle  d'éclosion. L'eau  de ces sources est amenée à l'établissement par une conduite en bois présentant une pente d'environ 4%. Le débit des sources est  de 19 à 20 litres par minute et la température de l'eau  de + 4° à + 5°. Les appareils d'éclosion sont des couvoirs californiens, système Max Von  dem Born. La salle d'éclosion en renferme 120 disposés en gradins  : une quadruple rangée au centre et une double rangée à droite  et  à  gauche. Ces appareils  ont été fabriqués par M. Heer, Jean-Baptiste, ferblantier  à Ettelbrück (G.-D. de Luxembourg).

Ils consistent en trois caisses métalliques de grandeur décroissante, s'emboîtant de manière à communiquer avec un même tuyau  de décharge. Celle du milieu a 0m3o de long, om25 de large et om15 de haut. Le fond est formé par une toile métallique assez fine pour retenir les œufs et les jeunes poissons. La grande caisse extérieure a om40 de long, om33 de haut et om25 de large. La plus petite qui sert de tamis pour retenir les alevins n'a qu'une longueur et une hauteur de om10. L'eau tombe dans la grande caisse, traverse de bas en haut les toiles métalliques et s'échappe par les tuyaux concentriques qui s'emboitent  les uns dans les autres (Les poissons d'eau douce, par Émile Gens). Tout les appareils sont en zinc; ils coùtent 10 frs. pièce.

A côté de l'établissement de M. le baron du Mesnil existent de grands étangs clans lesquels sont élevées des truites de forte taille qui donnent une partie des œufs et la laitance nécessaire à la multiplication de ce salmonide.  Le  surplus de la provision annuelle est récolté clans les eaux de la Sûre et de l'Our.

En ce qui concerne le saumon, les agents de M. le baron du Mesnil le reproduisent à l'aide d'œufs achetés dans le Grand-Duché de Luxembourg et fécondés à Bovigny, tantôt avec de la laitance de saumon, tantôt avec de la laitance de truite. Dans ce dernier cas, ils obtiennent la truite salmonidée, qui a l'avantage de croitre beaucoup plus rapidement que la truite ordinaire, de prendre des proportions plus fortes et de ne plus retourner à l'Océan.

La fécondation de l'une et l'autre espèce se fait au moyen de la méthode dite : « sèche » ou « russe », et la perte en œufs qui résulte de cette opération est d'environ 10%. L'établissement de Bovigny produit en moyenne et par an 500 000 alevins, dont une partie est livrée au commerce, une partie sert à repeupler les étangs annexés a la piscifacture et le restant est déversé dans la Salm et ses affluents.

 

Annales de l'Institut Archéologique du Luxembourg. Année 1889. Tome 21.

lundi 8 avril 2019

Henry François Jacquet, soldat français au début du XIXe s.



Régiment de grenadiers à cheval de la garde des consuls, devenu 1er régiment de grenadiers à cheval, 1800-1815. 11 juillet 1807-13 juillet 1814 (matricules : 1 876 à 3 736).

mercredi 2 août 2017

La princesse Karadja

Mary SMITH, fille d’un sénateur suédois fort riche Lars-Othon SMITH, née à Stockholm (Suède) le 12 mars 1868, fut envoyée en pension à Genève de 1877 à 1884. Dans les années 1882-83, elle fut la muse du peintre ZORN à Londres. C’est elle qui est représentée sur ses tableaux: Mary dans le studio (1882-83) et Mary sur la Tamise (1883). Elle épousa le 24 avril 1887, selon le rite orthodoxe grec, un prince turc, ministre à la cour de Stockholm, Copenhague et La Haye Jean KARADJA Pacha, né à Neuplie, Athènes (Grèce) en 1835. Le couple vécut d'abord à Stockholm, puis à La Haye et enfin à Londres.
La princesse Karadja et ses enfants dans la calèche, devant le château de Bovigny, journal suédois, 1899.
Le 26 mai 1893, devant le notaire DOUNY à Vielsalm, le baron Oscar de MESNIL de VOLKRANGE, rentier, rue de la Loi n°117, à Bruxelles, vendit à son Excellence Mary-Louise SMITH, Princesse KARADJA, épouse assistée de son Excellence Jean-Constantin-Alexandre-Othon Prince KARADJA PACHA, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S.M. l’Empereur des Othomans, demeurant ensemble à La Haye, une propriété dénommée «château de Bovigny » se composant d’un château récemment construit, avec toutes ses dépendances, serres, établissement de pisciculture, maison de garde, jardins, terres, pâtures et bois, pour 30 000F.
Gravure du château de Bovigny, journal suédois, 1899.
Le prince KARADJA réaménagea complètement le château, sur les plans de l’architecte KUPPER à Bastogne. Les travaux se chiffrèrent à 13 679,24 F. Il fit appel à des entrepreneurs locaux: LEMAIRE à Vielsalm, MEYER et BRUYÈRE à Beho. Menuiserie : SCHMITZ à Beho ; Briquetiers : LAURENT à Rochefort et PERRET à Marche ; Tailleurs de pierres : MOUTSCHEN à Beho, LENOIR à Gouvy ; Plomberie : VREULS à Liège ; Maçonnerie : ESSER ; Plafonnage : BONTEMPS à Gouvy.
Le prince, malade, fut soigné par les médecins SCHEURETTE, BERNARD et MASIUS. Il manda le Notaire JACQUES à son chevet le 29 juillet 1894 ; il institua la princesse légataire universelle de ses biens. Il mourut en son château de Bovigny (commune de Beho !) le 11 août 1894, à l'âge de 59 ans. Le décès fut déclaré par le Notaire JACQUES et le cocher Philippe BELHOMME. Pendant la veillée, le défunt se consuma (combustion spontanée ?). La princesse y vit un signe paranormal. Les funérailles furent célébrées par deux archimandrites grecs et l’inhumation eut lieu dans une crypte sous la chapelle orthodoxe érigée près du château et ornée de la devise : « Parce que c’est beau, c’est à aimer » (Merci B.C. J).
Le 10 décembre 1894, à la requête de Mary-Louise SMITH, rentière, demeurant au château de Bovigny, veuve du prince KARADJA, en présence d’Auguste PIETTE, receveur communal à Vielsalm mandataire de Benjamin de VRIES, consul de Turquie à La Haye, subrogé-tuteur des enfants, et de Frédéric JACQUES, notaire à Vielsalm, firent l’inventaire des biens meubles du château de Bovigny.
Intérieur du château de Bovigny, cheminée aux armes de la famille Karadja, journal suédois, 1899.






















Cet inventaire nous livre quelques curiosités : Dans le vestibule attenant à l’entrée du château, on pouvait admirer une armure. Dans la pièce y attenant servant de grand salon : piano, bahuts, petites vitrines anciennes, harmonium, petite armoire avec glace, coffre à charbon, étagère, petites tables turques incrustées, petites tables en bois noir, tapis de « Sémyrne », tapis d’Aubusson, petits lustres en cuivre, petit sofa en étoffe turque, petit sofa en velours, fauteuils en bois, tables en bois, chaises recouvertes de velours, fauteuils à dossiers en bois, fauteuils en étoffes, chaises en bois, glace, petits tabourets en velours, chevalet en bois noir, petites étagères, grande étagère, grandes lampes, paravents en cuivre doré, petite table avec vitrine, table bibliothèque. De multiples tableaux, dont certains de l’école Hollandaise, d’autres signés Van HAANEN, AUKER, WESTERBRUC, CORDIER, REMOLINAR, WOUVERIAU, Van TOL ; des aquarelles de LACOSTE, PASSINI, ANDERSON, MEYER. Consoles, candélabres, encrier, faïence de Rouen, de « Capadimonte », de Delft , porcelaine de Saxe, potiches italiennes, anglaises ou en Delft, argenterie et métal anglais, etc. Dans la salle à manger : trois cornes montées sur argent. Il y avait le petit salon à écrire, la chambre d’enfants y attenant, la cuisine. La laiterie était située sous la terrasse, elle comprenait : turbine centrifuge, baratte, malaxeuse, machine à lessiver, machine à calandrer. Plus de mille bouteilles dans les caves : bordeaux, mousseux, champagne, cognacs et liqueurs diverses.

Du pallier du premier étage, on accédait à la chambre à coucher de la tour, où se trouvait le coffre-fort. La chambre à coucher attenant à la précédente comprenait le prie-Dieu. La salle de bains y attenant était déjà dotée d’une baignoire. Une autre chambre joignait cette salle.
Au second étage, une multitude de chambres à coucher, dont une dans la tour. Les domestiques étaient logés sous le grenier, ils disposaient de 5 lits en fer, d’autant de tables de toilette et de chaises en bois blanc. Cela contrastait fort avec le reste.
Dans la remise : voiture « Victoria », coupé, wagonnette, charrette à âne. L’écurie disposait de 5 juments (anglaises et ardennaises), 1 poulain et 2 ânes. La ferme comportait une dizaine de vaches et veaux, quatorze moutons, une vingtaine de cochons, des oies, canards, poules et lapins.

La princesse au château de Bovigny, journal suédois, 1899.

La princesse voyageait entre la Belgique, la Grande-Bretagne et la France. Elle fut un écrivain polyvalent sous le nom de « Mary princesse Karadja » : poésie, prose, pièces de théâtre et nombreux écrits spirituels. Elle employait le suédois, l’anglais, l’allemand. En français, elle publia « Étincelles » à Paris en 1892, puis  en 1902 : « L’Évangile de l’espoir ». Elle pratiqua l’ésotérisme et fonda « the White Cross Union » (l’Union de la Croix Blanche) et fut présidente de l’Alliance gnostique universelle, fondée en 1912 pour propager la gnose (connaissance) des « Grandes lois spirituelles qui régissent l'Univers, et ainsi favoriser l'évolution spirituelle de l'humanité. »
Khwaja KAMAL-UD-DIN


Khwaja KAMAL-UD-DIN, auteur de nombreuses publications à propos de l'Islam, rendit compte de sa rencontre  avec la princesse à Bovigny début juillet 1913. Il narre avec sérieux que, depuis qu’elle était veuve, elle était impliquée dans des activités savantes. Elle prétendait recevoir la révélation divine et sa mission était de divulguer ces secrets qu'elle croyait être cachés dans les Évangiles, la Torah et la religion égyptienne antique. Il se réjouissait de la teneur de ses propos proche de l’Islam selon lui.
Le « Corpus Christi Caller and Daily Herald », publié au Texas le 10 novembre 1914 consacre un article à la princesse. Il signale que la princesse comme président et trésorier honoraire de la société de secours belge avait transformé le château de Bovigny, situé en plein coeur de la zone de guerre, en hôpital. En reconnaissance de son travail, le gouverneur de Liège lui adressa une lettre de gratitude.

La princesse KARADJA mourut à Locarno (Suisse) le 7 septembre 1943, âgée de 75 ans.

Georges BENOIT