Le comte de Salm, résidant en Allemagne, se faisait représenter à Salm, par un haut-officier. Ce dernier s’occupait de la répartition de la taille entre les communautés, de la perception des dîmes, cens, rentes et autres redevances seigneuriales.
Le comte de Salm régissait le commerce local, l’usage des biens communaux, celui des bois seigneuriaux, les banalités ( l’usage de l’eau, et celui obligatoire de ses moulins, en l’occurrence, celui de Cierreux pour les habitants de Rogery, Bovigny, Cierreux, Honvelez, Longchamps, Courtil et Halconreux).
Les habitants du comté devaient fournir la corvée, c’est-à-dire, trois jours de labeur agricole (la ferme seigneuriale était située à Hermanmont) en mars, août et septembre.
Les gens de Rogery, comme les autres sujets, devaient aussi prester deux jours de garde au château à Salmchâteau et prêter main forte aux travaux de restaurations d’immeubles seigneuriaux, tels que château, églises, ferme, ils devaient pourvoir à l'entretien ou au rétablissement du pont de pierre "sur la grande eau" de Salmchâteau, du pont de bois "au Longwé" sur le même cours d'eau, du pont de Rogery; la toiture et les murailles du moulin bannal de Cierreux, pour lesquels ils devaient voiturer les bois et pierres.
Les paroissiens de Bovigny devaient pourvoir à l'entretien ou reconstruction de la maison pastorale de Bovigny, de la maison vicariale de Bovigny, prêter main forte à la tour de l'église paroissiale, voiturer la chaux
Les habitants de chaque ménage de Rogery devaient le rétablissement ou l'entretien de la chapelle du village, de même pour la maison du vicaire.
Ces mêmes habitants devaient fournir 1 mouton pour le village de Rogery, devaient contribuer à 1 mouton pour Bovigny et pour 1 cheval dû à la St-André.
Le comte de Salm exigeait un droit de "mortemain", c'est-à-dire que lorsque l'un des conjoints décédait, le comte exigeait le plus beau meuble. Lors d'un décès en célibat, le comte réclamait le droit de "histoux", c'est-à-dire tout le meuble.
Les habitants de Rogery payaient la dîme, celle-ci est partagée de façon suivante : la moitié appartenait à l’église de Bovigny, l’autre moitié était partagée par tiers ; un tiers à la même église, un tiers à la famille OTTE de Vielsalm et le dernier tiers va à Joubiéval.
Les villageois jouissaient du droit de prélever gratuitement les matériaux qu’on leur désignait pour la construction de leurs maisons.
Au comté de Salm, les biens immobiliers étaient de deux espèces : les biens masures et les biens fiefs.
Les biens masures, de loin les plus nombreux, supportaient des charges supérieures à celles qui grevaient les biens fiefs. En cas de transaction sur un bien masure, la taxe échue au seigneur s’élevait au denier 11e, soit le 1/11 de la valeur du bien, tandis que la taxe assignée aux biens fiefs s’élevait au denier 33e, soit 1/33 de la valeur.
Les biens fiefs étaient donc des biens affranchis perpétuellement par le seigneur. Au comté de Salm, ces affranchissements ont été concédés avant la seconde moitié du XVIe siècle. Les transactions des biens masures relevaient de la Haute Justice du comté, tandis que ceux des biens fiefs relevaient de la Cour Féodale.
L’homme de fief devait prêter serment devant la Cour de Salm, celui-ci était consigné dans les registres de justice. Après avoir prêté serment, il était exempt des corvées de saison, de la poule de « schaffe » (1) qui se payait avec la taille de mai et était exempt de garde au château, il ne payait que quelques deniers pour hommages en raison de son affranchissement.
L’Inquisition fit des victimes au comté de Salm au XVIe siècle. La peste y fît sont apparition, en septembre 1571. Le comté s’appauvrît, tant par le passage et le logement de soldats, que par les ravages commis par les Hollandais, à diverses reprises. Ceux-ci rançonnèrent les habitants, volèrent leurs meubles, prirent des prisonniers, brûlèrent des maisons, anéantissant les récoltes. Les archives de Bovigny font état en 1603, de la présence de soldats indisciplinés et révoltés, vivant de rançons exigées des habitants. En effet, les mambours de Saint-Martin ont prêté à Jehan COUNARD, Jehan DENYS et Jehan Henry le MAIRE, représentants les habitants de Courtil, 40 florins et ½, pour « la rachap des incursions des mutinys ». De même la fabrique d’église donna 5 florins brabants, pour « destorner 16 hommes de chevales hors Cortil et les deux villes de Cieru et Rogery ».
Les habitants étaient toujours victimes de la soldatesque, en 1631, les églises de Saint-Martin, de Bovigny et la chapelle de Courtil furent profanées. Le 16 novembre 1636, les principales maisons de Vielsalm, de même que son presbytère, furent mises à feu.
Une épidémie de peste refit son apparition dans toute l’Europe, elle décima le comté. Rien qu’à Vielsalm, trois fois plus de personnes moururent cette année.
A partir de 1646, des Lorrains furent en stationnement dans la région, leurs excès provoquèrent la fuite des populations. Ainsi des gens de la paroisse de Bovigny firent baptiser leurs enfants à Vielsalm.
Au dénombrement de 1656, les habitants de Rogery déclarent « qu’ils ont esté pillez trois fois entièrement ».
Louis XIV envahit le Luxembourg à partir de 1680, ses troupes sont présentes à Vielsalm en 1681. En 1692, le maréchal français d’Harcourt établit son camp à Salm, deux ans plus tard, il était toujours au camp de Bovigny. Les habitants furent contraint d’effectuer des charruages pour les troupes en 1694. La restauration espagnole de 1698 fut de courte durée. Louis XIV envahit à nouveau le Luxembourg pendant la guerre de succession d’Espagne (1701 – 1714). Les revenus du comté de Salm furent confisqués par droit de guerre et mis aux enchères en 1702.
Après 1714 et avec l’avènement de l’empereur d’Autriche Charles VI commença, pour la région, comme pour le duché de Luxembourg, une période de paix et de prospérité. Le comte de Salm fut réhabilité dans ses droits, certaines grandes routes furent construites, des services de diligence furent établis, le justice et les finances furent réorganisées, l’instruction publique encouragée, la création d’industries fut favorisée. L’empereur, ainsi que ses successeurs s’intéressèrent vivement aux progrès de l’agriculture, la culture de la pomme de terre fut introduite. Le commerce prit de l’expansion, les articles en faïence, le tabac, le verre et d’autres nouveautés se répandirent. D’après le relevé des manufactures, fabriques, commerces et productions, dans le comté de Salm en 1766, il existait à Rogery, 4 carrières de pierres « à sikèyes » (pierres à aiguiser les faux). Elles étaient détenues par 4 particuliers qui les exploitaient eux-mêmes. Ils produisaient annuellement 12 000 pièces, qui s’exportaient au pays de Liège et en France.
Rogery érigea sa propre chapelle en 1714 et pourvut à l’entretien d’un prêtre.
Il se tenait deux foires annuelles à Bovigny, l’une franche (déjà signalée en 1607) « à la Nativité Notre-Dame », la seconde non-franche, après le 25 mars.
En 1730, Rogery était en droit, ainsi que Beho, de faire pâturer ses moutons en lieu dénommé « canton boeltges » situé sur Salm, ce selon l’usage, toutefois après la Saint-Jacques. Rogery ayant devancé cette date, Beho voulut user du même droit. Mais un groupe d’habitants de Rogery vînt s’emparer du troupeau entier, comprenant plus de mille bêtes et le conduisit chez le mayeur du comté, Michel JACOB, à Priesmont, afin qu’il intervienne dans cette affaire. Par une requête au Conseil Provincial, Beho demanda la restitution des moutons et la condamnation de Rogery.
Dès le début du XVIIIe siècle, des débats incessants naquirent entre le comte de Salm et ses sujets. Ils durèrent une bonne partie du siècle. Requis en 1723 de fournir la corvée pour la reconstruction d’une aile incendiée au château de Salm, ils refusèrent, déclarant n’être tenus à la corvée qu’en mars et en septembre et pas pour de nouvelles constructions. Ils refusèrent de payer la réparation des moulins banaux et contestèrent le taux de la mouture. Ils ne consentirent pas à payer un cadeau de noces de 1.500 florins à une des filles du comte François-Guillaume, alors que celui-ci appuyait cette revendication sur un droit qu’il assurait ancien et incontestable. Au total, pas moins de six procès furent exposés devant le Conseil Provincial de Luxembourg, évoqués en appel au Grand Conseil de Malines, sur l’usage des forets, la reconstruction du château, les moulins, la pêche, les « acensements » et le cadeau de noces à la fille du comte.
Le 26 juillet 1726, le comte de Salm déposa plainte à Luxembourg concernant les travaux au château. Il obtînt gain de cause, par sentence du 9 mai 1733, selon laquelle le Conseil Provincial déclara que les habitants du comté de Salm devront faire le transport des bois, pierres, chaux, terres, ardoises, d’eau, indispensables à la réparation du château, ils devront prêter main d’œuvres. Les sujets du comté iront en appel de cette décision à Malines, où ils perdirent définitivement le procès le 28 juillet 1740.
Après avoir gagné le procès sur les travaux au château, le comte perdit quatre des autres procès en première instance. Son conseiller présenta alors aux communautés une transaction le 23 mai 1751. Elle proposait de partager par moitié les bois contestés, une moitié aux villages, l’autre au seigneur. Celui-ci reçut la dîme sur le produit de la part des villages, ainsi qu’une somme d’argent fixe pour les travaux au château, pour les moulins et les « acensements ». Le cadeau de noces fut abandonné. Toutefois, le haut-officier RUTH et son receveur excitèrent les communautés, déclarant que leurs délégués les avaient vendues au comte. Celui-ci, qui s’était déplacé expressément à Salm, furieux de cette calomnie, rejeta la transaction et repartit. Les procès recommencèrent à Malines en deuxième instance.
Par sentence du 1er mars 1752, les communautés, cette fois, furent condamnées.
La culture de la pomme de terre prit une telle ampleur qu’un procès surgit entre le comte et ses sujets, à propos de la dîme que ceux-ci ne voulaient pas payer sur cette nouvelle culture. Par transaction du 14 juillet 1768, le comte admit que cette dîme ne fut payée que pour l’excédant d’un demi journal de culture.
Pour couvrir les frais des procès, les communautés durent effectuer divers emprunts, qui furent seulement remboursés au XIXe siècle.
Des troupes de dragons autrichiens et des troupes françaises vinrent séjourner à Salm au cours de la guerre de succession d’Autriche (1741 – 1748).
Entre le mois d’août 1781 et le mois d’octobre suivant survînt une épidémie mortelle au comté de Salm. Le curé de Bovigny, dans son registre paroissial des décès, nota après un décès du 14 août 1781 : « La dysentrie commence, toute la paroisse et les environs »…
Bibliographie :
G. REMACLE « Vielsalm et ses environs », Vielsalm, 1968.
C. LEESTMANS « Histoire d’une vallée », Stavelot,1980.
(1) D’après des explications de feu Philippe LEJEUNE, la poule de « schaffe », est la poule que l’on devait donner au receveur, annuellement, pour pouvoir récupérer le bois mort dans la forêt, afin de se chauffer.
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