samedi 15 août 2009

Vol de poisson dans l’étang de « Grande-Fontaine » à Rogery, en 1907.

Le 12 août 1907, Jean-Pierre EHL, maréchal des logis et Pierre-Emile NICOLAY, gendarme, de la brigade de Gouvy, se rendirent à Cierreux, où ils reçurent une plainte d’Eugène PARISOT, 50 ans, cultivateur au même lieu, qui déclara :

« Je possède au lieu dit « Grande fontaine » territoire de la section de Rogery (Bovigny), un étang, lequel renferme une quantité de truites placées par moi. Depuis 7 à 8 semaines, cet étang est souvent pêché à la main et pour arriver à leur but, ces pêcheurs ont arraché une partie des herbes près de la source. Il m’est impossible de déterminer le préjudice qui m’a été causé. J’ignore le ou les auteurs de ce fait, je n’ai aucun soupçon sur personne. Le nommé GILSON Louis de Rogery (Bovigny) m’a prévenu que son vacher avait vu 3 hommes pêcher dans mon étang ».


Les gendarmes interrogèrent Louis GILSON, 24 ans, cultivateur à Rogery, qui déclara :

« Il y a environ 8 semaines, mon vacher, DOUTRELOUP Joseph, me dit avoir vu 3 hommes qui pêchaient dans l’étang du sieur PARISOT, et ne pas avoir connu ces individus ».


Les gendarmes interrogèrent ensuite le vacher : Joseph DOUTRELOUP, 15 ans, fils de Jean-Joseph, de Rogery, qui déclara :

« Il y a environ 2 mois, je gardais le bétail à environ 150 mètres de l’étang de PARISOT. J’y ai vu deux hommes au milieu de cet étang qui pêchaient des poissons. Ces deux hommes étaient de taille moyenne et pouvaient avoir 25 ans environ. Ils avaient avec eux un gamin, un peu près de mon âge qui se promenait sur le bord de l’étang.
Je n’ai connu aucun de ces hommes, je n’ai pas remarqué non plus s’ils avaient pris des poissons. En quittant l’étang, ils sont partis dans le bois et dans la direction de Commanster (Beho). La nommée NIZETTE Emerance a vu également ces hommes ».


Les gendarmes interrogèrent cette jeune fille, Emerance NIZETTE, 14 ans, fille d’Antoine, vachère à Rogery, qui fit la même déclaration que Joseph DOUTRELOUP, mais ajouta avoir vu les mêmes hommes 7 à 8 fois, dans l’étang en question et toujours dans la matinée.

Le 16 septembre suivant, les mêmes gendarmes recueillirent une nouvelle déclaration d’ Eugène PARISOT :

« quelques jours après votre enquête au sujet du vol de poissons commis dans mon étang, le nommé GRÉGOIRE Jean, de Honvelez m’a dit : « Vous ne me dites pas que l’on a été voler des poissons dans votre étang, le nommé TAGNON Joseph de Honvelez qui m’a appris ce vol m’a dit que les auteurs étaient les nommés BRANTZ Constant, LEBECQUE Prosper et MICHELS Ferdinand, tous trois demeurant à Honvelez ».


Les gendarmes interrogèrent Jean GRÉGOIRE, 59 ans, journalier à Honvelez, qui déclara :

« le lendemain de votre enquête faite pour découvrir les auteurs du vol de poissons au préjudice de PARISOT Eugène, je me suis rendu chez la nommée PIETTE à Cierreux, qui m’a dit que les gendarmes avaient été à Cierreux pour instruire sur un vol de poissons commis au préjudice de PARISOT. Le surlendemain, j’ai vu PARISOT à qui j’ai demandé si cette chose était vraie, il m’a dit oui et ajoutait : je crois que ce sont des individus de ton village qui ont commis ce vol. Puis il m’a demandé quels étaient les … qi travaillaient au bois « des Concessions » , je lui ai répondu que c’étaient BRANTZ Constant, LEBECQUE Prosper et MICHELS Ferdinand. J’ai ensuite fait part de ce vol à mon voisin TAGNON Joseph qui m’a dit que la nommée NIZETTE Emerance, 14 ans, vachère, domiciliée à Rogery avait vu trois hommes pêcher dans l’étang en question, sans les connaîtrent ».


Les gendarmes interrogèrent Ferdinand MICHELS, 19 ans, journalier à Honvelez, qui déclara :

« J’ai travaillé dans les bois de « Concessions » pendant les mois de juillet et août derniers avec les nommées BRANTZ Constant et LEBECQUE Prosper. Nous passions 2 fois par semaine à côté de l’étang PARISOT dans lequel nous prenions de l’eau pour faire notre popote pour 3 jours. Les jours de notre passage étaient le lundi et le jeudi, entre 7 1/5 et 8 heures, et, le mercredi et le samedi nous repassions à côté du même étang, pour retourner à Honvelez, où nous arrivions toujours à la tombée de la nuit. Nous n’avons jamais pêché dans cet étang ».


Prosper LEBECQUE, 20 ans, journalier et Constant BRANTZ, 18 ans, cultivateur, fils de Constant, tous deux à Honvelez nièrent également s’être livrés à la pêche dans l’étang de PARISOT.
Joseph TAGNON, absent n’a pu être entendu.
Les gendarmes firent remarquer au Procureur du Roi, que les vols de ce genre devenaient depuis un certain temps, très fréquents dans la commune de Bovigny. De plus ils soupçonnaient Emérance NIZETTE, native de Honvelez, de connaître plus qu’elle n’en dit sur cette affaire, il leur semblaient qu’elle ne voulait pas dénoncer LEBECQUE, MICHELS et BRANTZ, qu’elle aurait dû reconnaître.
Les gendarmes suggérèrent une confrontation avec la jeune fille.

Le 23 septembre 1907, le juge d’instruction Etienne CASTAGNE, accompagné du substitut du procureur, SCHEURETTE et du greffier adjoint firent une descente à Bovigny pour y instruire au sujet du vol de poissons.
Ils procédèrent à l’audition des témoins.
Eugène PARISOT n’a rien ajouté ;
Joseph TAGNON, 49 ans, bûcheron à Honvelez, déclara

« Ce n’est pas moi qui ai dit à GRÉGOIRE que c’étaient les nommés BRANTZ, LEBECQUE et MICHELS qui avaient commis le vol au préjudice de PARISOT. C’est GRÉGOIRE qui m’en a parlé le premier dans les termes suivants « Sais-tu que l’on a pêché l’étang de PARIZOT » et j’ai répondu : « Tiens c’est malheureux pour ce pauvre diable là ». La conversation s’est bornée là ».


Emerance NIZETTE déclara :

« J’ai vu à six ou sept reprises toujours le matin, trois individus, dont deux grands et un petit pêcher dans l’étang de PARIZOT ou plutôt c’est DOUTRELOUX Joseph qui m’a dit qu’il y en avait un qui pêchait. Aujourd’hui en venant DOUTRELOUX m’a dit que ces hommes ne pêchaient pas, mais qu’ils prenaient de l’eau pour faire leur café ».


Le juge note les hésitations du témoin et l’adjura de dire la vérité. Emérence se rétracta et dit :

« Je reconnais les trois prévenus pour les trois hommes qui ont pêché dans l’étang de PARIZOT. J’ai habité Honvelez pendant un mois. Si je n’ai pas dit la vérité c’est que je craignais des représailles de a part des prévenus. Quand j’ai vu les prévenus pêcher c’était au commencement de la […].
J’ai vu les deux plus grands entrer dans l’eau mais je ne sais qu’ils ont prit du poisson. Je n’ai […] vu le plus petit entrer dans l’eau.
J’ai entendu tout à l’heure les prévenus dire entre eux devant […]qu’ils n’avaient été à l’étang que pour prendre de l’eau pour leur … pour cela que j’ai donné tantôt […] versions.
J’ai vu passer près de l’étang [ …] les prévenus pêchaient […] les frères et sœur WILMES je crois domestique chez le bourgemaitre de Commanster ».


Joseph DOUTRELOUX ajoute :

« J’ai vu à trois ou quatre reprises deux hommes assez grands et un gamin un peu plus grand que moi venir à l’étang PARIZOT. J’ai vu les deux hommes dans la tranche qui amène l’eau à l’étang, le gamin était resté sur la berge.
Je n’ai pas parlé de cette affaire avec Emérance NIZETTE, en venant aujourd’hui. Je n’ai donc pu lui dire que ces hommes étaient venus chercher de l’eau pour faire leur café. Nous étions accompagnés de la femme de Lucien du Pafy ».


Prosper LEBECQUE, 20 ans, journalier, prévenu, nie les faits qui lui étaient reprochés. Il ajoute « il est impossible du reste de pêcher à la main dans un étang sans le vider ».
Ferdinand MICHELS, 19 ans, journalier, prévenu, nie également, ajoutant « je ne suis pas entré dans l’étang ».
Constant BRANTZ, 18 ans, journalier, prévenu, nie également les faits, déclarant aussi ne pas être entré dans l’étang.

Après avoir procédé à l’audition des témoins, ils se rendirent à l’étang où le délit a été commis, situé à 30 minutes du village de Rogery, en pleine campagne, loin de toute habitation.
Ils déclarèrent que « Cet étang est alimenté par une source qui se jette directement dans l’étang et qui est d’un débit très faible. L’étang, à ses digues est assez profond, 1m50 environ ; et il est impossible d’y pêcher à la main, sauf à l’endroit où la source se jette à l’étang. À cette place, l’eau est peu profonde, le fond de l’étang n’est pas vaseux mais composé d’un lit de gravier. Quelques touffes d’herbes s’y trouvent offrant un abri au poisson ». PARISOT déclara qu’avant les faits, ces herbes étaient en quantité beaucoup plus considérable et recouvraient presque tout le gravier.
C’est à cet endroit qu’ Emérance NIZETTE affirma avoir vu les prévenus. Elle se trouvait dans une prairie située sur une colline à 200 m. environ de l’étang, et qui domine celui-ci.
Joseph DOUTRELOUP se trouvait à proximité, dans la vallée qui conduit à l’étang et ne pouvait voir ce qui s’y passait aussi nettement que le témoin placé sur la colline.

Le 27 septembre 1907, les gendarmes de Gouvy procédèrent à l’audition de Joseph WILMES, 17 ans, domestique à Commanster, fils de Joseph, qui déclara :

« quelques jours avant la fenaison, j’ai été à 2 reprises avec ma sœur Félicie faire des fagots dans un lieu du côté de Rogery. Si je ne me trompe pas, ces jours devaient être un lundi et un jeudi. Nous passions à côté de l’étang situé au lieu dit « Grande fontaine » et appartenant au nommé PARISOT de Cierreux. À notre passage en cet endroit nous avons vu les nommés MICHELS Ferdinand, LEBECQUE Prosper et BRANTZ Constant qui prenaient de l’eau dans l’étang, près du bois d’épicés, à l’endroit de la source je crois. Lors de notre premier passage nous les avons rencontrés à 5 ou 6 mètres de l’étang, se dirigeant vers celui-ci et la 2e fois, ils prenaient de l’eau dans des bidons pour faire leur manger disaient-ils. Nous avons parler les deux fois environ cinq minutes avec eux puis nous sommes partis à notre besogne. Je n’ai vu aucun de ces trois hommes dans l’étang et n’ai pas remarqué s’ils avaient des poissons. Quand nous passions dans cet endroit il pouvait être 8 ½ ou 9 heures ».


Les gendarmes interrogèrent ensuite Félicie WILMES, 19 ans, servante à Commanster, qui fit la même déclaration que son frère.
Le Tribunal de Première Instance de Marche, attendu du manque d’indices suffisants de culpabilité, à charge de Prosper LEBECQUE, 20 ans, journalier à Honvelez, Ferdinand MICHELS, 19 ans, journalier au même lieu, et Constant BRANTZ, 18 ans, journalier au même lieu, déclara le non lieu le 29 novembre 1907.

1 commentaire:

The Rinart a dit…

Je suis l'arrière-petite fille d'Eugène Parisot et c'est mon frère qui a trouvé ce compte-rendu sur votre blogue.

C'est vraiment très amusant de lire toute l'histoire, surtout quand on connaît la vie de notre arrière-grand-père.

Merci beaucoup !

M. Delnoy