vendredi 18 septembre 2009

Les funérailles de M. le curé de Bihain.

(publié dans L’Avenir du Luxembourg, le 4 avril 1952)

Mercredi matin, à Ville-du-Bois, dans la chambre funéraire, dans le cortège, à l’offrande pendant la messe, près de huit cents personnes sont venues témoigner à M. le Curé de Bihain leur reconnaissance. N’avait-il pas été le prêtre aimé de tous ? Et c’est son caractère sacerdotal et uniquement celui-là qu’il avait demandé qu’on rappelle à ses funérailles.

Sur son cercueil et au pied du catafalque, on ne voyait pas les innombrables décorations dont il avait été gratifié à juste titre pendant les hostilités de 1914-1918 et 1940-1945. Son patriotisme avait toujours été marqué de cette grandeur qui exclut la haine mais se dévoue jusqu’au risque de la vie pour la sauvegarde des libertés traditionnelles. On ne voyait pas non plus les centaines de lettres de gratitude qu’au cours de sa longue carrière il avait reçues de ceux qui lui devaient la santé du corps, un secours d’argent ou l’octroi d’une situation.
Seuls, la chasuble, l’étole, le calice, le bréviaire et la barrette rappelaient ce qu’il avait été avant tout : un prêtre, et un saint prêtre, qui, dès 1901, apportait dans ses contacts avec les hommes un sens social, plutôt rare à cette époque et qui pouvait paraître audacieux.

Dans le chœur de l’église, avait pris place Mgr Van ZUYLEN, évêque coadjuteur de Liège, un grand ami du défunt, qui avait passé les années de sa jeunesse et ses vacances d’étudiant à la cure de Bihain.

Mgr l’Evêque de Namur était venu la veille à Ville-du-Bois prier près du corps de l’abbé François CLAISE, l’un des plus anciens curés du diocèse.
Derrière Mgr Van ZUYLEN, plus de soixante prêtres se pressaient : parmi les principaux : MM. les Supérieurs du Petit Séminaire de Bastogne et de l’Institut Saint-Remacle de Stavelot, MM. les Doyens d’Houffalize, de Vielsalm, de Barvaux, d’Erezée et de Stavelot. M. l’abbé LEGROS, inspecteur de l’enseignement diocésain.
Parmi les personnalités civiles : M. J. MERGET, député ; le comte Ch. de LIMBURG STIRUM, ancien sénateur et propriétaire de Bois Saint-Jean ; M. le baron Van ZUYLEN d’Argenteau ; des députés provinciaux, de nombreux bourgmestres, échevins et conseillers de la région.

Avant la messe, des degrés de l’autel, pour répondre à la volonté du défunt et au désir exprimé par la famille, M. le Doyen d’Houffalize remercia publiquement M. le curé de Regné qui avait assuré le service de la paroisse de Bihain pendant la maladie de l’abbé CLAISE, et M. le curé de Ville-du-Bois qui s’était dépensé jour et nuit au chevet de son nouveau paroissien mourant.
Il dit en quelques mots la sainteté du prêtre qui nous quitte, prêtre fidèle à sa foi, fidèle à son sacerdoce, fidèle à sa paroisse.
Fidèle à sa paroisse, l’abbé CLAISE a voulu l’être dans la mort. Né à Rogery en 1871, ayant aujourd’hui encore de nombreux parents dans sa paroisse natale et à Vielsalm, Ville-du-Bois, Commanster, Bovigny et Beho, il a choisi pour son dernier repos de cimetière de Bihain ; c’est là qu’il veut rester, parmi ceux qu’il a aidés à bien mourir pendant les cinquante et une années de son pastorat.
Après la messe, célébrée par M. le Curé de Ville-du-Bois, assisté des curés de Fraiture et d’Ottré, et un frugal repas terminé, le cortège funéraire prit la route de Bihain.
À l’église, M. le Doyen d’Houffalize chanta une dernière absoute.

Au cimetière, avant que le cercueil ne descende dans la tombe, trois discours furent prononcés. M. DACO, au nom du Conseil de Fabrique, rappela avec émotion comment l’abbé François CLAISE avait apporté pendant plus de cinquante ans, dans la solitude des Fagnes, la présence du Christ : il en avait refait les gestes, redit les paroles et, comme Lui, dévoré du zèle de la Maison de Dieu, avait construit, puis restauré après la tourmente de l’offensive, une belle église.

M. le Bourgmestre, au nom de la commune, exprima les regrets unanimes de la population de n’avoir pu célébrer, l’an dernier, le jubilé des cinquante ans de pastorat de l’abbé CLAISE. Et pourtant, quelle reconnaissance ses administrés ne lui devaient-ils pas ! Le curé de Bihain s’était fait tout à tous. Tous ses paroissiens étaient ses enfants. Tous l’entouraient de respect et d’affection. Son presbytère leur était ouvert. Les conseils éclairés sortis de la bouche de cet homme de Dieu ne seront jamais oubliés.
Un enfant de l’école et du catéchisme, au nom de ses petits compagnons, dit merci à celui qui, comme le Divin Maître, avait été l’ami des enfants.

La figure douce, souriante et cependant volontaire du curé de Bihain se détachant sur un fond de nuages bas et tourmentés, telle qu’on la voit sur la photographie parue mardi dernier dans « L’Avenir du Luxembourg » n’est pas prête de disparaître de la mémoire des gens de la vallée de la Salm et des hauteurs des Fagnes de Bihain. Ses parents savent que l’héritage de ce prêtre n’est pas fait de pièces que ronge la rouille et que mordent les vers. Sur le souvenir de ses 56 ans de sacerdoce et de son jubilé de 50 ans de pastorat à Bihain, il n’avait pas énuméré tous ses travaux ; une prière livrait tout son secret, l’amour de toute sa vie. […]



A.E.D.

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