Vues aériennes (photographies de Georges ANTOINE)
Le « château de Bovigny », quoique faisant partie du domaine de la Concession, faisait partie de la commune de Beho et de la paroisse du même lieu. Les fermes situées sur le domaine, faisaient partie de la commune de Bovigny et de la paroisse de Rogery…
En 1885, la Concession est louée au baron Oscar de MESNIL de VOLKRANGE, né à Godinne le 2 janvier 1836, conseiller communal à Spa, secrétaire de la légation, époux de Coraly-Maria de THOMAZ.
Il acquit des terres près de la Concession en 1886, 1887, 1889 et 1890. Il y construisit un château nommé « Bovigny Parks ». Il mourut à Vierves le 15 avril 1896 (1).
Le 26 mai 1893, devant le notaire DOUNY à Vielsalm, le baron Oscar de MESNIL de VOLKRANGE, rentier, rue de la Loi n°117, à Bruxelles, vendit à son Excellence Mary-Louise SMITH, Princesse KARADJA, épouse assistée de son Excellence Jean-Constantin-Alexandre-Othon Prince KARADJA PACHA, envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de S.M. l’Empereur des Othomans, demeurant ensemble à La Haye, une propriété dénommée « château de Bovigny » se composant d’un château récemment construit, avec toutes ses dépendances, serres, établissement de pisciculture, maison de garde, jardins, terres, pâtures et bois, pour 30 000F. (2)
Jean-Constantin-Alexandre-Othon prince KARADJA Pacha, né à Neuplie, Athènes (Grèce) en 1835, fils de Constantin KARADJA et d’ Adèle CONDO-DANDOLO. Consul ottoman à Brindisi (1873) et Tifilis (1876), Ministre de Turquie à Stockolm (1880), Envoyé extraordinaire et Ministre plénipotentiaire de l’empereur des Ottomans près la Cour des Pays-Bas, et de Suède-Norvège, domicilié à La Haye. Il épousa en premières noces, Caroline-Adélaïde DURAND ; en secondes noces à Stockolm (Suède) le 24 avril 1887, Mary-Louise (Despina) SMITH, née à Stockholm le 12 mars 1868, fille d’un sénateur suédois fort riche Lars-Othon SMITH et de Maria-Louisa COLLIN (3).
KARADJA : écu: au 1 d'or à une aigle de profil contournée de sable, le vol ouvert et abaissé; au 2 d'azur à une étoile à 5 rais d'or; au 3 d'azur à une licorne rampante d'or; au 4 de gueules au phénix sur son immortalité d'or.
Supports: 2 licornes regardant au naturel; Manteau de pourpre, doublé d'hermine, sommé de la couronne princière.
(J.B. RIESTAP, Armorial général", 1884 (rens. d'H. d'OTTREPPE))Le prince KARADJA, son épouse et la famille de celle-ci en 1890.
La calèche du prince KARADJA, ici avec son épouse, aux environs de la Concession.
Le prince KARADJA réaménagea complètement le château de Bovigny, sur les plans de l’architecte KUPPER à Bastogne.
Les travaux se chiffrèrent à 13 679,24 F. Il fit appel à des entrepreneurs locaux : LEMAIRE à Vielsalm, MEYER et BRUYÈRE à Beho.
Menuiserie : SCHMITZ à Beho
Briquetiers : LAURENT à Rochefort et PERRET à Marche
Tailleurs de pierres : MOUTSCHEN à Beho, LENOIR à Gouvy
Plomberie : VREULS à Liège.
Maçonnerie : ESSER
Plafonnage : BONTEMPS à Gouvy.
Le prince, malade, fut soigné par les médecins SCHEURETTE, BERNARD et MASIUS (4). Il décéda en son château de Bovigny (commune de Beho !) le 11 août 1894, à l'âge de 59 ans (5). Ses funérailles furent célébrées par 2 archimandrites grecs. Il fut inhumée dans une crypte souterraine sous la chapelle orthodoxe qui fut érigée près du château (6).
acte de décès du prince KARADJA.
Le 10 décembre 1894, à la requête de Mary-Louise SMITH, rentière, demeurant au château de Bovigny, veuve du prince KARDJA, légataire universelle de son époux par acte du notaire JACQUES, le 29 juillet 1894, en présence d’Auguste PIETTE, receveur communal à Vielsalm mandataire de Benjamin de VRIES, consul de Turquie à La Haye, subrogé-tuteur des enfants. Frédéric JACQUES, notaire à Vielsalm firent l’inventaire des biens composants le château de Bovigny (7).
Dans le vestibule attenant à l’entrée du château :
- 1 bahut en chêne ancien.
- 1 armoire en chêne.
- 1 armure.
- 1 glace à cadre de chêne.
- 1 suspension en cuivre.
- 1 lampe en fer forgé.
- 1 lavabo en cuivre.
- 6 chaises en noyer.
- 1 poêle.
- 1 baromètre.
- 1 pendule.
- Des appliques en faïence de Delfl et en cuivre.
Dans la pièce y attenant servant de grand salon, incomplètement achevé :
- 1 piano.
- 1 bahut en bois teinté.
- 1 bahut plus petit.
- 2 bahuts sculptés.
- 1 bahut en bois de chêne.
- 2 petites vitrines anciennes.
- 1 harmonium.
- 1 petite armoire avec glace.
- 1 coffre à charbon, en bois.
- 1 étagère en bois.
- 2 petites tables turques incrustées.
- 2 petites tables en bois noir.
- 1 tapis de Sémyrne.
- 1 tapis d’Aubusson.
- 5 petits lustres en cuivre.
- 1 petit sofa en étoffe turque.
- 1 petit sofa en velours.
- 2 fauteuils en bois.
- 2 tables en bois.
- 6 chaises recouvertes de velours.
- 2 fauteuils à dossiers en bois.
- 4 fauteuils en étoffes.
- 6 chaises en bois.
- 1 glace.
- 6 petits tabourets en velours.
- 1 chevalet en bois noir.
- 4 petites étagères.
- 1 grande étagère.
- 4 grandes lampes.
- 2 paravents en cuivre doré.
- 1 petite table avec vitrine.
- 1 table bibliothèque.
Tableaux, aquarelles et poteries :
- 1 grand paysage, scène d’hiver (toile).
- 1 tableau intérieur ancien.
- 2 toiles portraits d’hommes.
- 1 toile représentant 1 danseuse.
- 2 aquarelles anciennes, paysages.
- 16 dessins à la plume, encadrés.
- 1 tableau de l’école Hollandaise.
- 1 tableau de l’école Hollandaise, sujet de genre.
- 1 aquarelle de LACOSTE.
- 1 aquarelle signée PASSINI.
- 1 aquarelle copie.
- 4 aquarelles anciennes, paysages hollandais.
- 1 petit portrait de Van HAANEN.
- 1 toile signée AUKER.
- 1 toile paysage suédois.
- 1 petite toile signée Van HAANEN.
- 2 tableaux signés WESTERBRUC.
- 1 aquarelle signée ANDERSON.
- 1 petit tableau signé Van HAANEN.
- 1 portrait sur toile du Prince KARADJA.
- 7 toiles copies de tableaux.
- 1 tableau signé CORDIER.
- 1 aquarelle moderne.
- 3 petits tableaux modernes.
- 3 tableaux signés Jean REMOLINAR
- 3 tableaux copies modernes école Hollandaise.
- 1 toile signée WOUVERIAU.
- 1 peinture signée Van TOL.
- 4 tableaux de genre école Hollandaise.
- 1 aquarelle signée MEYER.
- 7 petites consoles en bois, genre italien.
- 2 plats en faïence de Rouen.
- 2 petites statuettes en porcelaine de Saxe.
- 2 candélabres en porcelaine de Saxe.
- 18 assiettes faïence ancienne.
- 17 petites potiches italiennes.
- 1 encrier genre Delft.
- 9 potiches anglaises modernes.
- 1 vase en Delft.
- 7 potiches en Delft.
- 1 vase faïence Capadimonte.
- 3 statuettes en biscuit.
- 2 statuettes, vaches, en faïence de Delft.
- 10 petites potiches et vases faïences diverses.
Dans la salle à manger :
- 1 buffet en chêne sculpté.
- 1 dressoir en chêne sculpté.
- 14 chaises bois et cuir.
- 1 petit bahut chêne sculpté.
- 7 étagères-tables en bois de chêne.
- 1 lustre en cuivre.
- 1 tapis.
- Applique en Delft et assiettes.
- 1 coffre argenterie en chêne.
- 3 cornes montés sur argent.
- 1 service de table en porcelaine.
- Cristaux, service de table complet.
Argenterie et métal anglais :
- 13 flacons à vin, poignée en métal.
- Garnitures de table en plaqué.
- 5 petits vases en métal.
- 6 petits bougeoirs.
- Grande cafetière.
- 2 portes raisins.
- 1 sceau à glace.
- 4 compotiers.
- Fourchettes à pickels.
- 1 fromager.
- 2 grands sauciers.
- 1 corbeille à pain.
- 24 marmites à ramequins
- 2 plats à gratin.
- 2 plats à légumes.
- 2 plats ronds d’entrée.
- 2 plats ronds à couvercles.
- 2 plats asperges et pinces.
- 2 plats ovales d’entrée.
- 2 grands plats à poisson.
- 2 petits plats à poisson.
- 2 plats ovales à rôtis.
- 8 assiettes à bords.
- 1 presse-citron.
- 1 saladier.
- 2 gobelets.
- 1 service à thé.
- 2 plateaux en plaqué.
- 2 poivriers.
- 1 moutardier.
- 24 pinces à asperges.
- 12 fourchettes à huitres.
- 12 cuillers et fourchettes.
- 12 couteaux.
- 1 tire-bouchon.
- 1 casse-noisette.
- 12 couverts.
- 1 corbeille à pain en argent.
- 1 petit plateau en argent.
- 2 ciseaux à raisin en argent.
- 1 sucrier en argent.
- 3 gobelets en argent.
- Linges de table et de ménage.
Dans le petit salon à écrire.
- 1 bureau ministre en chêne sculpté.
- 1 chaise-longue.
- 1 caisse à charbon en chêne sculpté.
- 3 tables en chêne.
- 2 armoires à glace en chêne.
- 1 sofa.
- 7 chaises diverses, chêne et bois noir.
- 1 grande lampe en fer forgé.
- Garniture de bureau en cuivre.
- 1 lustre et 4 girandoles en cuivres.
- Plaques en Delft et statuettes en faïence.
- 1 tapis.
Dans la chambre d’enfants y attenant :
- 1 table à écrire.
- 1 poêle en fonte.
- 1 table.
- 6 chaises.
Sur le pallier du premier étage :
- 1 buffet en chêne.
- 1 canapé.
- 6 chaises.
- 2 plaques de Delft.
- 2 appliques en cuivre.
- 1 étagère.
Chambre à coucher de la tour :
- 1 coffre-fort.
- 1 poêle.
- 1 glace.
- 1 lit en fer.
- 1 table de toilette en noyer.
- 1 lavabo en noyer.
- 1 table de nuit.
- 1 armoire à glace.
- 1 chaise longue.
- 1 bac à charbon.
- Tapis et rideaux.
- 4 chaises et 1 fauteuil.
Chambre à coucher attenant à la précédente :
- 1 lit en cuivre.
- 1 bureau ministre.
- 1 chaise longue.
- 1 table.
- 1 armoire à glace en noyer poli.
- 1 lit d’enfant en fer.
- 1 prie-Dieu.
- 1 foyer ouvert.
- 1 glace.
- 2 étagères.
- 1 petite pendule.
- Accessoires de bureau.
- 1 bibliothèque.
- 2 fauteuils.
- 2 chaises.
- Tapis.
- Rideaux.
Salle de bains y attenant :
- 1 poêle.
- 1 glace.
- 2 chaises.
- Baignoire et accessoires.
Dans la chambre y joignant :
- 1 lit de bonne en fer.
- 1 lit d’enfant en fer.
- 1 tapis linoléum.
- 1 poêle.
- 1 table en bois blanc.
- 1 table de toilette en bois blanc.
- 1 miroir.
- 1 horloge.
- 2 chaises.
Dans la chambre à coucher du deuxième étage :
- 1 lit en fer.
- Tables de toilette.
- 1 garde-robe.
- 1 petit poêle.
- 1 fauteuil.
- 2 chaises.
Dans la chambre à coucher prenant jour sur la ferme :
- 2 lits en cuivre.
- 1 armoire à glace en sapin.
- 2 lavabos en sapin.
- 2 tables de nuit.
- 1 poêle.
- Tapis et rideaux.
- 6 chaises.
Dans la chambre attenant à la précédente :
- 2 lits en fer.
- 1 armoire en noyer.
- 1 poêle.
- 1 miroir.
- 1 lavabo.
- 2 tables de nuit.
- 1 fauteuil.
- 1 petite table.
- 1 table de toilette.
- Tapis et rideaux.
- 1 paravent.
Dans une autre chambre à coucher :
- 1 lit en fer.
- 1 lavabo.
- 1 armoire en sapin.
- 1 canapé.
- 1 fauteuil.
- Tapis et rideaux.
- 1 glace.
- 1 petite table.
- 1 table de nuit.
Dans la chambre à coucher de la tour :
- 1 lit en cuivre.
- 1 garde-robe.
- 1 lavabo en sapin.
- 2 petits tables.
- 2 chaises.
- Tapis et rideaux.
- Table à écrire.
- 1 canapé.
- 1 lampe.
- 1 fauteuil.
- 4 chaises.
Dans une autre chambre au même pallier :
- 1 lit en fer.
- 1 lavabo en sapin.
- 1 table de nuit.
- 6 chaises.
- 1 fauteuil.
- 1 poêle.
- Tapis et rideaux.
Chambres de domestique à l’étage sous le grenier :
- 5 lits en fer
- 5 tables de toilette en bois blanc.
- 5 chaises en bois blanc.
Dans une chambre à l’étage où ils sont déposés :
- 2 lampes chinoises.
- 3 potiches de Delft.
- 5 plats de Delft.
- 1 plat ancien Delft.
- 6 assiettes faïence ancienne.
- 6 plaques Makkum.
- 5 grands plats en Delft brisés.
- 4 plats Makkum.
- 11 assiettes faïence de Delft.
- 1 vase en Delft en mauvais état.
- 1 jardinière en Delft.
- 5 grands plats en Delft.
- 6 assiettes faïence Rorshraudt.
- 5 appliques en cuivre.
- 2 girandoles.
- 1 tableau portrait d’enfants.
- 1 tableau peinture représentant des turcs.
- 1 tableau d’école Hollandaise.
- Livre et partitions de musique.
Au rez-de-chaussée du château, dans la cuisine :
- 1 batterie de cuisine avec accessoires.
- 1 table et 6 chaises en bois blanc.
- 1 garde-manger.
- Verres, faïence et menues vaisselles d’office.
Dans une pièce en-dessous de la terrasse à usage de laiterie :
- 1 turbine centrifuge.
- 1 baratte.
- 1 malaxeuse.
- 1 machine à lessiver.
- 1 machine à calandrer.
Dans la remise :
- 1 voiture « Victoria ».
- 1 coupé.
- 1 wagonnette.
- 1 charrette à âne.
Dans la sellerie :
- Harnais de voiture et harnais d’âne.
Dans les caves :
- 1 270 bouteilles bordeaux.
- 100 bouteilles Moselle Mousseux.
- 100 bouteilles « champagne ».
- 120 bouteilles Schery.
- Malaga, cognacs et liqueurs diverses.
Dans l’écurie :
- 1 jument Alzane cob anglaise paraissant âgée de 13 ans.
- 1 jument Alzane cob anglaise, couronnée au genoux paraissant 6 ans.
- 1 jument ardennaise âgée de 3 ans.
- 1 jument âgée de 6 ans.
- 1 jument ardennaise robe noire, âgée de 5 ans.
- 1 poulain ardennais, âgé de 6 mois.
- 2 ânes.
Dans l’écurie du bâtiment de ferme :
- 3 vaches sous poil roux.
- 1 génisse.
- 9 veaux de l’année.
- 14 moutons.
- 6 truies.
- 12 porcs.
- 9 cochons de lait.
- Oies, canards, poules et lapins.
Mary SMITH, alias « Mary princess Karadja », poète et écrivain. Médium de renommée internationale. Elle a vécu à Londres et, plus tard, dans le Sussex et a écrit plusieurs ouvrages, principalement en anglais. Elle fonda la « White Cross Union » (Union de la croix blanche) et a présidé la « Universal Gnostic Alliance » (Alliance universelle Gnostique), fondée en 1912, destinée à propager le connaissance des « Lois spirituelles qui régissent l’univers », afin de promouvoir l’évolution spirituelle de la race humaine. Elle mourut à Locarno (Suisse) en 1943. (8)
signature de Mary SMITH.
Bibliographie de Mary KARADJA :
« Étincelles », publié par A.S. Mallet, Allen & Co. ; A. Lemerre, 1892
« L'évangile de l'espoir », 1901
« Towards the Light », New-York, 1909.
« Esoteric Meaning of the Seven Sacraments », 1910.
« King Solomon : A Mystic Drama », 1912.
De leur union sont issus 2 enfants :
1) Constantin-Jean-Lars-Anthony-Demetrius prince KARADJA (La Haye (Pays-Bas) le 24 novembre 1889 - Bucarest (Roumanie) 1950), consul général de Roumanie à Berlin (1931-1941) (8)
2) Despina-Roxane-Marie-Theodora-Alexandra princesse KARADJA (1892 - 1977/1983 ?) (9)
Lettre de Mary SMITH, au bourgmestre de Beho, le 28 octobre 1907.
Détail, armoiries KARADJA.
Le château de la Concession.
Le château fut à maintes reprises la proie des voleurs…
" Château de Bovigny, 7 mai 1900
Monsieur le Brigadier,
Je regrette de vous causer encore du dérangement mais de nombreux vols s’étant produits chez moi ces derniers temps. Je me vois priée de vous signaler la coupable et de requérir qu’elle soit punie. J’ai chassé hier de mon service la servante Elisa Flausch après avoir constaté un nouveau vol. on avait eu la hardiesse de voler un rosbif entier du garde manger (pour la troisième fois depuis 3 semaines !). elle seule étant au château et étant rentrée à Beho le matin ; personne d’autre n’avait pû commettre cet acte, mais j’ai eu d’autres preuves plus probantes. Marie Kalbüsch et plusieurs ouvriers ont vu dans ses poches de magnifiques rubans de satin blanc. Marie lui dit « où as-tu acheté de pareils, il n’y en a pas dans le pays », elle se trouva très embarassée et répondit « c’est Anna Frank qui me les a donnés ». (Anna déclare que cela est un mensonge).
Des masses de rubans de soie et de dentelles ont été volés au château ainsi que du linge. Je vous prie donc de vouloir faire une perquisition au domicile de la fille Flausch qui par émoins a été vue portant une partie des objets dérobés, et la forcer à expliquer la provenance des objets évidemment venus du château.
La fille Kalbüsch m’informe qu’Elisa a été chassée de son service chez Elsen pour y avoir également dérobé de la viande.
C’est donc une voleuse de profession et je crois que la justice devra intervenir pour ne pas lui laisser continuer impunément cette belle carrière.
Agréez Monsieur l’assurance de ma considération.
Princesse Karadja.
P.S. Il faudrait faire la perquisition sans prévenir ou en parler dans le pays sinon elle cacherait les objets !»
Le 9 mai 1900, les gendarmes de Gouvy Hubert-Joseph MATHOT et Elisée-Joseph-Gillain ERNOULD, se rendirent aux Concessions et y trouvèrent la princesse KARADJA, 32 ans, demeurant au château. Elle déclara :
« Depuis un certain temps, je constate que du linge (serviettes, essuie-mains, draps, mouchoirs, chemises et bas) disparaissaient du château. Trois ou quatre fois, j’ai constaté également qu’on m’enlevait du garde-manger de la viande, même des rosbifs entiers. Je soupçonne fortement pour avoir commis ces vols, mon ancienne servante Flausch Elisa de Beho, que j’ai renvoyée de mon service dimanche dernier. KALBUSCH Mariie, une autre servante et LUGEN Thomas, un ancien ouvrier, ont vu dans la poche de FLAUSCH Elisa de mes rubans. Une autre servante encore, FRANCK Anna m’a dit avoir trouvé la paire de bas noirs que voici et portant la marque de mes armoiries, dans les effets de Flausch Elisa. Enfin, une trosiième servante, Cornélis Maria, m’a raconté qu’elle avait vu Flausch Elisa se servir de mes mouchoirs de poche.
Dimanche dernier, Flausch Elisa est allée seule à la 1re messe à Beho ; après son départ, j’ai constaté la disparition d’un rosbif de la moitié d’une côtelette et de deux kilos de viande de porc. Quand je lui ai fait remarqué la chose, elle m’a répondu : « C’est le chat ». Je lui ai répliqué : « C’est un malin chat, il scie les côtelettes en deux et il est allé dans plusieurs armoires.
Le rosbif était dans le vinaigre et il n’y avait aucune trace. Les autres domestiques étaient allés à la grand messe, elle était seule en ce moment. Personne d’autre que Elisa n’avait accès dans les chambres où se trouvaient les objets de lingerie dérobés ».
Le procureur du roi ordonna une perquisition chez Elisa FLAUSCH, mais ce fut sans succès…
Ils auditionnèrent des témoins : Anna FRANCK, 18 ans, fille de feu Nicolas, servante, domiciliée à Gouvy ; Maria CORNELIS, 18 ans, fille de Félicien, servante, domiciliée à Provedroux ; Marie KALBUSCH, 18 ans, fille de Jean-Pierre, servante, domiciliée à Beho ; Thomas LUGEN, 17 ans, fils de Nicolas, journalier domicilié à Ourthe, lequel déclara :
« Le dimanche 29 avril, dans la soirée, quand les jeunes hommes de Gouvy ont fait du tapage au château. Cornélis Maria a donné de la viande, du lait et du pain à Franck Alphonse, Morsomme Joseph et Maréchal Simon, qui se trouvaient parmi les tapageurs. Ils ont mangé cela en cachette dans une place contigüe au garde-manger. Ce jour là je travaillais au château ».
Les gendarmes interrogèrent Jean-Pierre FLAUSCH, 19 ans, fils de feu Jean-Pierre, journalier, qui soignait le bétail du château le 29 avril.
Corneille-Joseph PROBST, 52 ans, domestique domicilié à Beho.
Cette affaire qui ressemble plus à un menu larcin commis par de jeunes gens insouciants, a néanmoins valu de sérieux ennuis à la jeune FLAUSCH, qui heureusement s’en sorti avec un non-lieu (10).
Cela a eu au moins le mérite de nous éclairer un peu sur la vie avec les KARADJA, et nous donne une idée du personnel occupé au château.
Voici une lettre adressée au procureur du roi par la princesse, le 30 décembre 1901, au sujet d’un nouveau vol :
« Stockholm, Suède.
Monsieur le Procureur du Roi !
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance qu’un vol important a été commis en mon château de Bovigny. Il s’y trouve un établissement de pisciculture qui momentanément ne travaille pas, établi par l’ancien propriétaire le Baron du Mesnil. Il s’y trouvait cent cinquante appareils pour l’incubation des œufs de truite, ayant coûté 10 frs pièce. On a eu l’audace incroyable de les enlever tous de la maison (distante du château de 3 minutes), où elles se trouvaient !!!
L’année précédente on en avait déjà volé une trentaine et j’avais porté plainte aux gendarmes, qui je le crois ne s’en sont guère occupés. Ce me semble qu’un vol pareil devrait être aisé à découvrir… on a dû employer des charettes pour décharger toutes les pièces ; il doit nécessairement y avoir des complices ! Si on a volé ces appareils c’est nécessairement pour s’en servir. Tout le pays doit savoir qui s’occupe de la vente d’alevins et si des appareils se trouvent chez les éleveurs ils doivent prouver leur origine. J’espère vivement monsieur le Procureur, que vous donnez l’ordre qu’on s’occupe de cette affaire.
La population des Ardennes est tellement malhonnête que j’ai cessé d’habiter mon château par dégoût. Des vols quotidiens s’y commettaient impunément et jamais les gendarmes ne découvraient les coupables…
Agréez l’assurance de ma considération distinguée.
Princesse Karadja ».
Le 17 décembre 1901, les gendarmes de Gouvy Lucien-Joseph ANCIAUX et Jules-Joseph PONCELET, étant en service à Beho, rencontrèrent Nicolas MOUTSCHEN, 60 ans, garde particulier et régisseur au château de la princesse KARADJA, aux Concessions ; lequel déclara :
« Dimanche dernier 15 courant, en faisant une tournée dans la propriété et arrivé à la pisciculture, j’ai remarqué qu’une fenêtre était ouverte ; ayant pénétré à l’intérieur ; j’ai constaté que 120 récipients en fer blanc recouverts d’un vernis noir et qui avaient servi à l’élevage des truites, étaient disparus, en plus une brèche avait été pratiquée dans le mur d’entredeux, pour pénétrer dans une place voisine.
Ces récipients ont une valeur de 1 francs à 1,25 pièce.
Il y avait à peu près 8 jours que je n’étais venu à cet endroit. Je ne peux accuser personne de ce vol, mais il y a environ 15 jours, je me trouvais à Neuville (Vielsalm) lorsque un nommé HUGUIN ou HUGET Martin, qui habite cette localité, qui a travaillé pendant 2 ans au château pour le Baron du MESNIL, il y a déjà un certain nombre d’années, et qui s’occupait là de l’élevage du poisson, m’a abordé et demandé si la princesse avait toujours les récipients en question et s’ils étaient toujours à l’ancienne place. J’ai répondu affirmativement en lui disant que il y a deux ans on en avait enlevé une dizaine.
Je ne connais que cet homme dans le pays qui pourrait s’occuper et utiliser ces réservoirs. Cet homme est l’ancien berger de CLOTUCHE de Burtonville. Il habite Neuville (Vielsalm). Il voyage avec une voiture attelée de deux chiens, ce qui aurait pu lui servir pour enlever les objets ».
Les gendarmes constatèrent que pour s’introduire dans le bâtiment en question, le voleur a dû, par une pesée, ouvrir une fenêtre mal fermée, qui est à 80 cm. du sol. Les récipients étaient rangés sur des étagères. Ils avaient une forme rectangulaire, mesurant 20 cm. de large sur 40 cm. de long, sur environ 10,20 cm. de hauteur. Le voleur avait laissé sur place 86 petites grilles qui servaient à faire des séparations dans les dits réservoirs.
La pisciculture était située à l’écart du château, n’était pas clôturée et ne servait plus depuis plusieurs années.
Ils déclarent que la princesse KARADJA n’habitait le château que quelques jours en été. Elle demeurait à Stockholm. MOUTSCHEN avait la garde du château et exploitait la propriété.
HUGUIN fut prévenu d’avoir commis le vol par escalade, mais le Tribunal de Marche a anéanti cette accusation par un non-lieu ! (11)
Etang à la Concession, l'échelle à poissons (photographie de Georges ANTOINE)
Le 30 août 1905, les gendarmes de Gouvy informés d’un nouveau vol au château, s’y rendirent. Ils y parlèrent au prince Constantin de KARADJA, 16 ans, sans profession, qui déclara :
« Ce matin vers 8 heures, j’ai été prévenu par la fille de chambre que le contenu d’une armoire avait été bouleversé et qu’une cassette contenant 425 francs et une paire de draps de lit avaient été enlevés. Elle me demandait si c’était moi qui avait déplacé ces objets. Je lui ai répondu négativement. La somme se composait de trois billets belges de cent francs. Trois pièces de vingt marcks en or, deux prussiennes et l’autre de Saxe ou de Bavière aux millésimes de 1872, 1889 et 1892 années de naissance de la fille de chambre, de moi et se ma sœur ».
La fille de chambre : Judith CAELSON, fille de quartier, résidant au château, ne parlait que le suédois (c’est le prince Constantin qui faisait la traduction). Le jardinier : Joseph PAQUAY, 28 ans, logeait au château. La cuisinière Bertha YUNCK, 28 ans, logeait aussi au château. Nicolas MOUTSCHEN, 50 ans, journalier, domicilié à Ourthe, logeait aussi au château, dans la chambre située sous la chambre de la cuisinière.
Ces 4 domestiques dormaient seuls dans les dépendances qui les portes étant fermées (donnant accès à l’extérieur) peuvent se rendre à la chambre où le vol a été commis.
La chambre où le vol a été commis est entourée par celles du prince, de la princesse, de la cuisinière et de la femme de chambre.
Mathieu BUY, 23 ans, et Pierre CLOSE, 20 ans, journaliers logeaient dans une place à côté des étables.
Le 9 septembre 1905, le juge d’instruction Etienne CASTAGNE, accompagné du substitut du Procureur, STERNOTTE et de leur greffier-adjoint se rendirent à Beho, pour y instruire au sujet d’un vol d’argent commis au château et au préjudice du Prince de KARADJA.
Il procédèrent à une visite des lieux.
« Le vol s’est commis dans une chambre sise dans une aile du château apparemment destinée au logement des serviteurs. Cette aile comprend au premier plusieurs chambres sans communication entre elles. Cette aile ne communique avec le château, qui était loué au moment du vol, que par une seule porte.
De l’extérieur, on accède à cette aile par trois portes sises : deux au rez-de-chaussée qui comprend des remises à voitures, caves, etc. ; l’autre à mi-hauteur de l’escalier allant du rez-de-chaussée à l’étage et donnant sur une terrasse.
Toutes ces portes ferment à l’intérieur à l’aide de serrures et de verrous.
L’ensemble de cette aile a une disposition peu ordinaire et forme un véritable labyrinthe où seule une personne très au courant des lieux peut se diriger. »
Plan dressé par les gendarmes.
Cette affaire se termina aussi par un non lieu (12).
Chapelle de la Concession (photographies de Georges ANTOINE).
Chapelle de la Concession, détail (photographie de Georges ANTOINE)
Le 4 mai 1912, la princesse Clémentine de BELGIQUE, accompagnée de son époux le prince Napoléon, visita le château de la Concession. On lui prêta l'intention de le louer (13).
Le château fut vendu en 1921, par Constantin prince KARADJA, à Joseph KUBORN, de Martelange, marchand de bois à Bastogne. Le domaine et la ferme ne se révélant pas rentables, il revendit l’ensemble à Odon WARLAND vers 1926 (14).
Odon WARLAND à 18 ans.
faire-part de décès d'Odon WARLAND.
Lors d'un repas chez Odon WARLAND.
L'usine d'Odon WARLAND.
Odon WARLAND né à Gouvy le 25/4/1890, industriel, propriétaire de la marque de cigarettes « Boule nationale », Président du Conseil d'Administration et Administrateur Délégué de la S.A. Etablissements Odon WARLAND; Président Général de la Fédération Belgo-Luxembourgeoise des Industries du Tabac; Président du Conseil d'Administration de la Coopérative des Cautionnements "FEDETAB"; Président du Conseil d'Administration et Administrateur Délégué de la S.A. "SOLABEL"; Administrateur de la S.A. Anciens Etablissements NOBELS-PEELMAN; Administrateur des Manufactures Indochinoises de Cigarettes; Président d'Honneur de l'Académie Royale Liégeoise de Billard; Officier de l'Ordre de Léopold; Officier de l'Ordre de la Couronne; Chevalier de l'Ordre de Léopold; Décoré de la Médaille Pro Ecclesia et Pontifice; mort inopinément à Uccle 10/7/1954, fils d’ Anatole-Joseph WARLAND et de Marie-Joséphine-Victoire LUTGEN, épousa Berthe MONNIER (15).
Il rénova le château et son parc, il fit aménager de nombreux étangs le long du Glain (16).
Le château était en voie de délabrement à la fin de la vie de Mr. LEFÈVRE. En 1989, la propriété fut vendue à un groupe de scieurs autrichiens : SCHEIGHOFER, qui laissa ce patrimoine architectural à l’abandon total (17).
Le domaine fut ensuite morcelé et vendu à différents particuliers.
Le château a été rénové récemment.
Le château, état actuel (photographies de Georges ANTOINE)
(1) H. d’OTREPPE « Gens de chez nous », dans G.S.H.A. n°57, 2002, pp.71-74 ; ANB ; Notariat DOUNY, Vielsalm, 1893, n°1983.
(2) Notariat DOUNY, Vielsalm, 1893, n°1983.
(3) H. DELASSUS, « Le Problème de l'heure présente: antagonisme de deux civilisations », Société Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer, 1905.
ressources internet : 1, 2, 3.
(4) Notariat JACQUES, Vielsalm, 1894.
(5) EC. Beho.
(6) Notariat JACQUES, Vielsalm, 1894 ; et « Liber Memorialis de Beho ».
(7 ) Notariat JACQUES, Vielsalm, 1894.
(8) à (9) H. DELASSUS, « Le Problème de l'heure présente: antagonisme de deux civilisations », Société Saint-Augustin, Desclée, De Brouwer, 1905.
(10) à (12) Tribunal de Marche, Non-Lieu.
(13) Avenir du Luxembourg du 4 mai 1962. Collection « Il y a cinquante ans ».
(14) GSHA. n° 41, « Les propriétaires du château de « la Concession » à Bovigny », p.97.
(15) Faire-part de décès et renseignements de Marie-Thérèse GRANDJEAN.
(16) O. GRANDJEAN, Manuscrit.
(17) journal « Vers l’Avenir » vers 1995.
2 commentaires:
Bonjour,
Bravo pour ce blog captivant.
Après lecture subsiste la question de savoir qui aujourd'hui possède les différentes parties du domaine.
Nous avons fait le tour du domaine sans y pénétrer et avons été très intrigués. L'ampleur de l'ensemble, la qualité des plantations et des paysages, la présence des pêcheries majestueuses, l'énorme ferme siège d'une activité bien ordonnée, tout cela nous a donné envie d'en savoir plus.
Merci pour ce travail documentaire pour le moins circonstancié.
Jean-Philippe et Nathalie, citadins vagabonds en vadrouille dans le pays.
Merci beaucoup!
J'ai traduit tout juste en russe deux petits articles de la Princesse sur les sujets ésotériques.
Valery Tolstoy
(Ukraine)
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